[Paroles d'experts] Charles Bonhomme
Expert technique international (ETI) au Monténégro, Charles Bonhomme appuie sur le terrain les institutions locales dans la mise en œuvre de politiques environnementales et a porté la voix du pays à l’UNOC3, affirmant son rôle dans la gouvernance internationale de l’océan.
Depuis septembre 2023, Charles Bonhomme est déployé au Monténégro en tant qu'expert « environnement » auprès de l'Agence de protection de l'environnement (APE).
Créé et financé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et porté par Expertise France, son poste d'ETI a pour objectif de soutenir le Monténégro dans la structuration de sa politique environnementale, en phase avec sa trajectoire d’adhésion à l’Union européenne.
Sa mission : accompagner l’APE dans la mise en œuvre de politiques de protection de l’environnement, en particulier en matière de biodiversité marine et de création d’aires marines protégées.
À l’occasion de la 3e Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC3), Charles Bonhomme a accompagné les autorités monténégrines aux négociations officielles et événements périphériques, contribuant ainsi à renforcer leur implication dans les processus multilatéraux liés à la gouvernance des océans. Cette mobilisation a également permis de sensibiliser les autorités aux enjeux marins encore insuffisamment intégrés dans les priorités nationales et de favoriser une meilleure visibilité du Monténégro auprès des partenaires techniques et financiers régionaux et européens.

ETI au Monténégro : cap sur l’UNOC3 & les enjeux marins
En quoi consiste votre mission ?
Depuis septembre 2023, le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères appuyé par Expertise France, a décidé de répondre favorablement à la demande d’assistance du directeur de l’Agence de Protection de l’Environnement du Monténégro, le Dr Milan Gazdic, en me mettant à sa disposition pour appuyer le travail considérable engagé par ses équipes depuis plusieurs années pour faire de la protection de l’environnement une réalité au Monténégro.
Il est vrai, cette mission se déroule dans le contexte particulier de la candidature du pays à une adhésion à l’Union Européenne, et donc de la mise en conformité « en mode accéléré » de l’ensemble de son corpus législatif et règlementaire avec l’Acquis européen, mais aussi d’une phase de développement économique rapide et mal planifié de ce jeune Etat, indépendant depuis seulement 2006.
Dans ce contexte, la mise en place de mesures de protection de l’environnement est un impératif, aussi bien dans le cadre du processus d’adhésion au travers du Chapitre 27, qu’au regard de la nécessité de préserver les grands équilibres écologiques d’un pays exceptionnellement riche en biodiversité mais confronté à de nombreux défis : développement touristique rapide et mal contrôlé, crimes et abus environnementaux, pollution des terres, de l’air, des cours d’eau et de la mer, capacités institutionnelles limitées et planification inadaptée…
L’utilité de cette mission est donc grande du point de vue des parties prenantes locales mais aussi de l’Ambassade de France à Podgorica dont le portefeuille s’est substantiellement étoffé depuis deux ans et de la stratégie d’engagement régionale de l’AFD et d’Expertise France (Prêt de politiques publiques en appui à une transition verte, secteur des déchets, secteur de l’eau, appui aux collectivités, justice environnementale, lutte contre la corruption etc.), mais aussi des attachés régionaux Français du Ministère de la Transition écologique et solidaire, du Ministère de l’Agriculture et de la sécurité alimentaire et du Ministère de l’Intérieur.
Pouvez-vous nous parler de votre rôle dans l’organisation de la participation du Monténégro à l’UNOC3 et des objectifs fixés ?
Dans la pratique au Monténégro, les sujets prioritaires et concrets se disputent les uns avec les autres, mais on ne peut que se féliciter de l'engagement nouveau et croissant des autorités en matière de protection de l'environnement marin, tendance appuyée en lien avec l’Ambassade de France depuis fin 2023 (recensement des acteurs, campagne de prélèvements marins de la Goélette Tara en Juin 2024, organisation en partenariat avec l'Institut de Biologie Marine de Kotor de la Conférence Adribiopro en novembre 2024, le lancement récent en lien avec l’Ambassade d'un appel à projets portant sur la protection de la biodiversité marine).
Aussi, la participation active de représentants du Monténégro lors des négociations et dans le cadre des évènements périphériques organisés dans le cadre de la 3ème Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC3) qui s’est tenu du 9 au 13 Juin à Nice, nous a offert un cadre magnifique pour appuyer cette dynamique avec 3 objectifs :
Favoriser une plus grande implication du pays en vue de l’aboutissement des processus multilatéraux liés à l’océan et sa protection, notamment en vue de l’entrée en vigueur du Traité sur la Haute Mer.
Mobiliser les décideurs et acteurs monténégrins dans le cadre de ce sommet afin de mieux faire connaître les enjeux marins dans le Sud de l’Adriatique, renforcer les partenariats techniques et/ou financiers et ainsi contribuer à une meilleure visibilité des actions engagées localement et des efforts à réaliser pour l’avenir.
Promouvoir une approche sous régionale et afficher de nouvelles ambitions aussi bien dans le cadre du PAM, du Cadre Mondial pour la Biodiversité, notamment en ce qui concerne l’objectif 30X30, qu’au regard du processus en cours d’intégration à l’Union Européenne.
Quel bilan tirez-vous de cette opération ?
Préparée et appuyée en lien étroit avec l’Ambassade et Expertise France, l'implication du Monténégro dans le cadre du Sommet UNOC 3 de Nice a permis de répondre point par point aux objectifs fixés.
Ainsi, l’implication directe du ministre de l'Écologie, du Développement durable et de l'Aménagement du Nord dans le cadre des négociations officielles et lors de la réunion des ministres des pays du pourtour Méditerranéen le 10 Juin, a permis d’ancrer le soutien officiel du Monténégro en vue de l’entrée en vigueur de l'Accord sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones situées hors des juridictions nationales (BBNJ), d’abord par la signature de l’Accord à Nice par le ministre le 10 Juin en vue d’une ratification attendue au Monténégro à l’issue de la procédure formelle de consultation interministérielle lancée en mai.
Considérant le seuil de 60 ratifications permettant d’envisager une mise en œuvre de l’Accord, et sachant qu’il y a manifestement eu un « effet Nice » avec le passage d’environ 20 ratifications en mai à plus d’une cinquantaine à l’heure d’écrire, la ratification du Monténégro pourrait intervenir à proximité du seuil fatidique de 60 ratifications ce qui lui confère un poids stratégique et politique potentiel important (pour la protection de la Haute mer, pour la reconnaissance du Monténégro et pour le bilan du sommet de Nice).
Par ailleurs, la cheffe du Département des écosystèmes marins et côtiers est également intervenue lors de l’événement « Mécanisme financier innovant soutenant le Cadre mondial pour la biodiversité : leçons de la Méditerranée pour l’océan mondial » inauguré par le Prince Albert II de Monaco, dont la Fondation est l’un des fondateurs du MedFund aux côtés de l’AFD et du FFEM. Pour mémoire, le Medfund finance durablement la préservation de la biodiversité marine de la Méditerranée, et spécifiquement le Monténégro au travers d’un appui à Morsko Dobro, l’agence de gestion des côtes, dans le cadre d’un projet de 5 ans pour le renforcement de la protection des 3 aires marines protégées de Katic, Platamuni et Stari Ulcinj.
En complément, j’ai accompagné le Directeur de l'Agence de Protection de l'Environnement et le directeur du MEDCEM (Mediterranean Center for Environnement Monitoring), tous deux invités avec l’appui de l’Ambassade de France, à la Journée Méditerranée ouverte par le Ministre Jean-Noël Barrot, le Président de région Renaud Muselier, Président de la Région Sud Provence-Alpes-Côte-d'Azur et le Maire de Nice, Christian Estrosi. La municipalité de Budva avait quant à elle participé au lancement de la Coalition Ocean Rise le 7 juin.
En lien avec la Cheffe de cabinet du ministre et les agences de l’AFD de Podgorica et Belgrade, il faut en outre signaler l’organisation d’une bilatérale le 11 Juin entre le ministre et Mme Véronique Voulan, directrice exécutive de l’AFD, permettant de consolider les relations constructives établies.
Au-delà de ces moments clés, la journée du 9 avril a été intégralement consacrée à des échanges au sein du Parc des expositions (rebaptisé « La Baleine » pour l’occasion) avec de nombreux acteurs de la coopération marine régionale, européenne et internationale. Cela nous a permis d’échanger longuement avec Romain Renoux, directeur du Medfund sur la nécessité de renforcer les mesures de protection des 3 Aires Marines Protégées pré-citées qui bénéficient depuis 2023 de son appui financier, mais aussi avec d’autres acteurs (OFB, IUCN, Med Sea Alliance, WWF, MedPan, Blue Seeds) au sujet de la protection d'espèces sentinelles marines emblématiques, comme le phoque Monacus Monacus qui figure au rang des espèces menacées de l'UICN, du carbone bleu, avec la découverte récente d'herbiers de Posidonie qui pourraient figurer parmi les plus anciens de Méditerranée, et de l'économie bleue (transport maritime, pêche, tourisme durable).
Enfin, il faut signaler que l’Agence de Protection de l’Environnement étant devenue officiellement membre de l’IUCN en 2025 (devenant donc le quatrième membre monténégrin après le Ministère de l’écologie, les Parcs Nationaux et le CZIP), j’ai pu organiser une entrevue entre Milan Gazdic et Mme Grethel Aguilar, directrice générale, en marge du lancement de la High Sea Alliance visant à mobiliser autour de l’accord BBNJ le 10 juin. La veille, une rencontre avait été organisée avec M. Maher Mahjoub, directeur de IUCN Med, bureau régional pour la Méditerranée basé à Malaga, qui nous a assuré de son soutien afin de mieux intégrer à l’avenir le Monténégro dans les projets régionaux et nous aider pour promouvoir des mesures de gestion efficaces des 3 premières aires marines protégées du pays au travers de la Liste Verte de l’UICN.
Quelles suites sont envisagées ?
Outre l’importance soulignée d’un appui du Monténégro aux processus multilatéraux en cours, le Sommet de Nice aura également permis de sensibiliser les autorités aux enjeux marins qui ne sont pas suffisamment pris en compte dans les priorités environnementales nationales et à ce que le Monténégro soit mieux identifié par les partenaires techniques et financiers régionaux et européens.
A l’issue de cette mission, il paraît important de s’assurer de la mobilisation du Ministère de l’écologie et celle de l’Agence de protection de l’environnement afin de faire le point sur la ratification de l’accord BBNJ et accélérer/faciliter l’avancement du dossier autant que faire se peut, suggérer la mise en place d’un groupe de travail sur les Aires Marines Protégées au Monténégro afin de dépasser les cloisonnements (gestion unique par Morsko Dobro) et favoriser une approche participative multi-acteurs qui est un facteur important de succès, tout en ouvrant la voie à un élargissement futur des zones à couvrir et/ou des degrés de protection à prévoir pour se conformer à l’objectif 30X30, et enfin, faire le point sur les dynamiques régionales en cours afin de préparer de nouveaux programmes sur financement européens.
En somme, de nouvelles perspectives pour les années à venir et une satisfaction de pouvoir contribuer aux efforts engagés par le Monténégro pour une meilleure prise en compte des enjeux écologiques marins et son engagement à maintenir la dynamique…