[Paroles d'experts] Priscille Lasémillante

Experte technique internationale (ETI) en mission au Qatar, Priscille Lasémillante revient sur les principales réalisations en faveur du développement du français dans l’enseignement public.

Basée à Doha, Priscille Lasémillante intervient en tant que conseillère en langue française auprès du ministère de l'Éducation et de l’Enseignement supérieur de l’État du Qatar.  
Cette mission d’expertise, déployée par Expertise France et financée par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, s’inscrit dans le prolongement des actions menées par la coopération française en appui au ministère de l’Éducation qatarien pour la réintroduction du français dans le système éducatif public, à la suite de l’adhésion du pays à l’Organisation internationale de la Francophonie en 2012. 
Dans un contexte de réforme de l'enseignement des langues étrangères, l'experte travaille en étroite collaboration avec les équipes locales pour construire une stratégie d’enseignement du français à la fois cohérente et pérenne. Elle intervient également aux côtés du ministère pour l’organisation de séjours linguistiques en France à destination des lycéens qatariens, contribuant ainsi à renforcer les liens entre les deux pays et à promouvoir la France comme destination d’études. 

© Priscille Lasémillante / ETI Expertise France

Appui à l’enseignement du français au Qatar

Pouvez-vous résumer en quelques mots l'objectif principal de votre mission ?

Depuis février 2023, j'accompagne le Ministère de l'Éducation et de l'Enseignement Supérieur du Qatar dans le développement de l'enseignement du français au sein des établissements publics. Cette mission d'expertise s'inscrit dans la continuité des efforts engagés par la coopération française pour soutenir le ministère de l'éducation qatarien dans la réintroduction du français comme matière optionnelle dans les lycées, suite à l'adhésion du Qatar à l'Organisation Internationale de la Francophonie en 2012.

Mon rôle consiste à construire, aux côtés des équipes locales, une stratégie d'enseignement cohérente et pérenne : conception des curricula, création de ressources, accompagnement des enseignants, mise en place de certifications et valorisation de la langue à travers des projets culturels. Cette mission se déroule en étroite collaboration avec l'Ambassade de France, l'Institut français du Qatar et la Représentation l’Organisation Internationale de la Francophonie pour le Moyen-Orient, dans le contexte d’une réforme éducative et tout particulièrement sur l’enseignement des langues étrangères en dehors de l’anglais, portée par le ministère qatarien.

L'objectif de la mission est double : structurer durablement le dispositif d'enseignement du français et renforcer l'attractivité du français auprès des élèves, des familles et des institutions.

Pouvez-vous nous parler de votre rôle dans l'organisation du projet ?

Dans le cadre de ma mission, j’accompagne le Ministère de l’Éducation dans l’organisation de séjours linguistiques à destination des élèves qatariens ayant choisi le français comme matière optionnelle au lycée. Depuis 2023, un groupe d’une quinzaine d’élèves part chaque été en France, accompagné par deux administrateurs du ministère et un enseignant de français exerçant dans l’un des établissements publics que j’accompagne. Le programme, conçu sur mesure, combine cours intensifs, activités culturelles et découverte du territoire, pendant un mois. Entièrement pris en charge par le Ministère de l’Éducation, il témoigne de l’engagement fort des autorités qatariennes en faveur de l’ouverture linguistique et culturelle.

Pour mener à bien cette initiative, j’assure la coordination du projet, de la conception au suivi post-séjour : élaboration du cahier des charges, conduite de l'appel d'offres, sélection du centre d'accueil et de formation selon des critères exigeants (qualité pédagogique, localisation, programme d'activités, restauration adaptée). Pour la plupart des élèves, c’est une première expérience loin du cercle familial. Tout est donc pensé pour garantir un séjour rassurant, stimulant et porteur de sens - une véritable immersion qui leur donne « envie de France ».

Une fois le centre de langue retenu, je travaille en étroite coordination avec les équipes du ministère pour la sélection des élèves, et j’assure le lien avec l’Ambassade de France pour les démarches de visa, ainsi qu’avec la Représentation du Qatar auprès de l’UNESCO pour le suivi protocolaire. Pendant le séjour, je reste en contact régulier avec l’établissement d’accueil afin de suivre la progression des élèves. À leur retour, un travail de suivi est mené avec les équipes locales pour évaluer l’impact du séjour sur leur apprentissage.

Cette année, pour cette troisième édition, c’est le Cavilam qui accueille les élèves à Vichy, après l’Institut de Touraine à Tours en 2023, puis le CAREL à Royan en 2024. 

Quel est l’objectif principal du projet et quels sont les principaux enseignements à tirer de cette expérience ?

L'objectif principal du séjour est de consolider les bases linguistiques acquises au cours de la première année d'apprentissage du français. L'immersion permet aux élèves de renforcer leur expression orale, de gagner en autonomie et de pratiquer la langue dans des situations réelles, bien au-delà du cadre scolaire traditionnel.

Le projet poursuit toutefois une ambition plus large : offrir aux élèves une première expérience structurée de programme éducatif à l'étranger. Il s'agit de leur permettre de se projeter dans un parcours d'études supérieures en France, avec un accompagnement progressif. Cette dimension s'inscrit pleinement dans les objectifs de la mission d'expertise, qui vise notamment à promouvoir la France comme destination d'études.

Dans cette perspective, les séjours constituent un véritable parcours d'initiation : ils préparent les élèves aux différences culturelles, les familiarisent avec un nouveau mode de vie et renforcent cette confiance qui peut s'avérer déterminante au moment de formuler leurs choix d'orientation.

Les résultats obtenus confirment la pertinence de cette approche. Les élèves progressent nettement : l'immersion intensive - près de 100 heures de cours sur quatre semaines - consolide efficacement les acquis du niveau A1. Ils repartent plus assurés, plus autonomes et souvent plus motivés à poursuivre leur apprentissage. La langue française devient ainsi plus concrète, plus vivante, et gagne en visibilité au sein du système éducatif qatarien.

 Le groupe actuellement en séjour à Vichy rentrera début août. Dès la rentrée scolaire, un accompagnement sera proposé aux élèves les plus motivés, en lien avec Campus France Qatar, pour structurer leur projet d'études. Ils seront également encouragés à se présenter au DELF A1, première étape de reconnaissance officielle de leur apprentissage.

Au-delà de ses retombées pédagogiques, ce type de projet agit comme un véritable catalyseur. Il donne de la cohérence au parcours scolaire, mobilise les équipes éducatives et renforce les partenariats entre le ministère qatarien, l'Institut français du Qatar, les centres de langue en France et Campus France. Il constitue une illustration concrète d'un projet de coopération réussi, au service du plurilinguisme et de la mobilité étudiante.

Cette initiative s'inscrit par ailleurs dans une dynamique plus large de réforme de l'enseignement des langues étrangères au Qatar. L'objectif est de permettre aux élèves d'envisager un parcours éducatif international, y compris en dehors du monde anglophone, et de répondre aux ambitions portées par la Vision 2030 du pays. Des séjours similaires sont d'ailleurs organisés pour les autres deuxièmes langues étrangères introduites au programme en 2023 : l'allemand et le japonais.

C'est ainsi toute une politique linguistique qui se dessine, visant à encourager l'apprentissage de plusieurs langues vivantes et à ouvrir de nouvelles perspectives aux jeunes générations qatariennes.

Quelles suites sont envisagées ?

Jusqu'à présent, les séjours linguistiques ont concerné uniquement des groupes de garçons. Nous espérons, dès l'an prochain, pouvoir proposer un séjour similaire à un groupe de filles, dans un souci d'équité et de représentation. Ce dispositif a vocation à s'inscrire dans la durée, avec l'ambition d'en faire un rendez-vous annuel structurant pour les élèves qui présentent de bons résultats et manifestent un intérêt pour la poursuite d'études en France.

Ces séjours prennent par ailleurs tout leur sens dans la perspective d'une montée en puissance progressive de l'enseignement du français dans les établissements scolaires publics. La réforme en cours prévoit d'étendre l'apprentissage sur quatre ans, à partir de la dernière année de collège. L'objectif est de doter les élèves de bases plus solides et, pour ceux qui envisagent un cursus universitaire en France ou dans un pays francophone, de leur permettre d'atteindre plus facilement - ou plus rapidement - le niveau requis pour intégrer une formation en français. À ce jour, les élèves qatariens doivent encore passer par une année préparatoire intensive de français avant d'entrer en première année de licence, le niveau B2 étant généralement exigé.

Pour accompagner cette évolution, nous travaillons également avec les équipes de l'Ambassade de France à renforcer les liens entre les établissements français et les acteurs éducatifs qatariens, afin de développer des parcours plus lisibles et mieux accompagnés pour les élèves. L'idée est de poser les bases d'un écosystème cohérent, allant de l'initiation à la langue française jusqu'à l'orientation post-bac.

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