[Paroles d’expertes] Caroline Passaes, Erica Telford & Nadège Mézié

Trois expertes techniques internationales (ETI) déployées au Brésil partagent les temps forts de leur mission conjointe en Guyane, dédiée au renforcement des partenariats scientifiques franco-brésiliens et au développement de projets innovants en santé et biodiversité.

Caroline Passaes, Erica Telford & Nadège Mézié, expertes techniques internationales (ETI) déployées par Expertise France et en poste au Brésil, nous emmènent au cœur d’une collaboration France–Brésil en pleine dynamique. À travers leurs missions respectives - en maladies infectieuses, en immunologie, en santé publique et en biodiversité - elles structurent de nouveaux partenariats, coordonnent des projets de recherche et font émerger des collaborations durables entre institutions françaises et brésiliennes.

Lors de leur déplacement conjoint en Guyane en septembre, elles ont pu observer les spécificités du territoire amazonien, identifier des initiatives bilatérales, et renforcer la synergie entre leurs institutions, contribuant à la construction d’un réseau franco-brésilien de recherche intégré et coordonné. 

Leur objectif : faire avancer une diplomatie scientifique et environnementale ancrée dans les réalités locales et tournée vers les défis de santé publique et de biodiversité qui touchent la région.

©Caroline Passaes, Erica Telford & Nadège Mézié - ETI Expertise France

Les ETI du CFBBA, de l’ANRS MIE et de l’Institut Pasteur reviennent sur les avancées et les enjeux d’une collaboration renforcée au service de la recherche en maladies infectieuses et de la biodiversité amazonienne

En quoi consistent vos missions d’ETI ?

Caroline Passaes : Ma mission a pour objectif principal de renforcer le partenariat entre l’Institut Pasteur et la Fundação Oswaldo Cruz (Fiocruz). Basée dans l’État du Ceará, au nord-est du Brésil, j’ai élaboré, depuis le début de ma mission, une feuille de route bilatérale qui a conduit à l’inauguration, en mai 2024, du Centre Pasteur–Fiocruz d’immunologie et d’immunothérapie. Cette nouvelle structure bilatérale vise à développer des programmes de recherche transversaux en immunologie, favorisant de nouvelles collaborations scientifiques entre chercheurs ainsi qu’avec des partenaires universitaires et hospitaliers aux niveaux régional, national et international. Elle contribue également à renforcer la mobilité des chercheurs entre la France et le Brésil, notamment au sein de l’Institut Pasteur.     
J’accompagne le développement du Centre Pasteur–Fiocruz sur les plans technique, administratif et scientifique, et je coordonne plusieurs projets de recherche en sciences de la vie et de la santé. Récemment, avec le soutien de l’Ambassade de France au Brésil, j’ai obtenu le financement d’un projet de type FEF portant sur la création d’un consortium de recherche sur les maladies infectieuses, incluant la structuration d’une biobanque associée aux projets.     

Erica Telford : Dans le cadre de la coopération scientifique franco-brésilienne, ma mission en tant qu’Experte Technique Internationale pour l’ANRS Maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE) s’inscrit dans un partenariat établi de longue date entre l’agence et les institutions brésiliennes, notamment Fiocruz et le Ministère de la Santé. Basée à Rio de Janeiro depuis mars 2025, j’œuvre au suivi, à la structuration et au renforcement des activités du Site partenaire de l’ANRS MIE au Brésil dans le domaine des maladies infectieuses, incluant les maladies émergentes et ré-émergentes. Je contribue au développement des projets scientifiques franco-brésiliens, à l’émergence de nouvelles collaborations, ainsi qu’à la mise en visibilité et en synergie des expertises académiques, institutionnelles et opérationnelles des deux pays.

Nadège Mézié : J’ai été déployée au Brésil en avril 2025 afin de rendre opérationnel le Centre Franco-Brésilien pour la Biodiversité Amazonienne (CFBBA) et de coordonner ses activités. Ce centre est une initiative binationale France-Brésil qui a été inauguré à Manaus en novembre 2024. Du côté français, la gouvernance du CFBBA est assurée par le MEAE, le MESR et le MTE. Le CFBBA s’inscrit dans un momentum de la politique franco-brésilienne qui accorde une place essentielle à l’Amazonie dans la diplomatie scientifique et environnementale. France et Brésil partagent une frontière commune en Amazonie et, avec elle, Brésil et France partagent la volonté de connaître et protéger les forêts tropicales et ses zones humides. Le CFBBA a pour objectif principal de renforcer la coopération universitaire et scientifique sur les sujets de la biodiversité entre la France, et la Guyane en particulier, et 4 Etats du Nord du Brésil (Amapa, Para, Amazonas, Roraima).

Pouvez-vous nous parler du déplacement que vous avez réalisé en Guyane ?

Dans le cadre des priorités de l’agenda de coopération en santé France–Brésil, l’objectif principal de cette mission conjointe en Guyane était de mobiliser les expertes techniques internationales (ETI) afin de mieux comprendre les spécificités territoriales et d’identifier de nouvelles initiatives de coopération bilatérale. Cette mission visait également à explorer des pistes de projets collaboratifs futurs, notamment en faveur de la mobilité de chercheurs entre la Guyane et le Brésil et du renforcement de la coopération transfrontalière dans le domaine de la santé. La réalisation d’une mission conjointe entre trois ETI représentant des institutions travaillant sur différents aspects de la santé a permis d’identifier des axes communs à développer et des possibilités de synergies entre les institutions françaises dans le cadre de la coopération transfrontalière. Elle enrichit ainsi la construction d’un réseau franco-brésilien de recherche en santé, en s’appuyant sur les complémentarités de nos institutions.  

Caroline : Dans le cadre de ma mission plus spécifiquement, cette visite s’inscrit dans une dynamique régionale. Étant basée dans le Nord-Est du Brésil, une région historiquement parmi les plus défavorisées, j’ai pu constater que les problématiques de santé publique y sont similaires à celles observées en Amazonie et en Guyane, en particulier concernant les maladies infectieuses et les maladies à déterminants sociaux. Ainsi, je considère que la mise en place d’actions coordonnées, intégrant le Nord-Est du Brésil dans une vision élargie de la coopération France–Brésil en santé, représente une opportunité stratégique et bénéfique pour les deux pays. Dans ce contexte, le Centre Pasteur–Fiocruz pourra jouer, dans les années à venir, un rôle clé dans la structuration et la consolidation de cette coopération, en s’appuyant sur ses partenariats scientifiques et institutionnels déjà établis.  

Erica : Dans mon cas, cette mission s’inscrit dans l’objectif d’élargir et de renforcer les collaborations autour des maladies infectieuses avec des partenaires sur l’ensemble du territoire brésilien, tout en mettant un accent particulier sur la coopération transfrontalière entre la France et le Brésil. Cela revêt une importance particulière pour développer un travail capillaire, adapté aux ressources, aux expertises et aux besoins spécifiques de chaque territoire. Dans ce contexte, l’Amazonie présente des spécificités régionales qui nécessitent une collaboration transfrontalière incluant les acteurs de toutes les régions et pays concernés par cet espace, en prenant en compte les priorités de santé, ainsi que les caractéristiques sociales et culturelles propres à ces territoires.  

Nadège : La mission visait à présenter aux acteurs guyanais de la recherche en santé et aux chercheurs-praticiens du milieu hospitalier les modalités d’action et d’implantation au Brésil des trois institutions que nous représentons (CFBBA, ARNS-MIE et Institut Pasteur). Elle visait aussi à montrer un front uni Expertise France au Brésil sur le secteur de la santé et à mutualiser les prises de contact en Guyane. Pour les acteurs guyanais, cette mission couplée a permis d’accéder à différents volets de la coopération franco-brésilienne en santé et d’avoir une vue synoptique des enjeux et des possibilités de collaboration. Par ailleurs, les chercheurs ont très vite perçu les possibles synergies à mettre en œuvre avec les trois institutions conjointement.

Quels ont été les principaux enseignements tirés de cette expérience ?

Cette mission a été très enrichissante, tant sur le plan professionnel que personnel. Le fait d’être partis en “Équipe France” a montré la valeur du réseau ETI travaillant de manière alignée pour identifier les opportunités de coopération. Elle nous a également permis de mieux connaître les acteurs de la recherche en santé en Guyane, leurs interconnexions et leurs complémentarités. La Guyane représente un contexte très singulier, marqué par son isolement géographique, sa diversité culturelle, ses défis environnementaux et ses enjeux sociaux, notamment dans la région de Saint-Georges de l’Oyapock. Constater les progrès scientifiques réalisés dans un tel contexte est très encourageant du point de vue de la coopération bilatérale France–Brésil.

Caroline : Sur le plan professionnel, j’ai particulièrement apprécié les échanges avec les équipes locales et je me réjouis à l’idée de pouvoir collaborer davantage dans un avenir proche. Sur un plan plus personnel, c’était ma première expérience en région amazonienne. Découvrir la forêt tropicale de près a été une expérience marquante, qui invite à réfléchir aux enjeux de préservation de la biodiversité et à l’impact du changement climatique. Dans la perspective de la COP30, cette immersion a constitué une expérience unique et inspirante.

Erica : Cette mission m’a permis de mieux saisir la diversité et l’interdépendance des acteurs de la recherche en santé en Guyane, en particulier autour des maladies infectieuses. Le contexte amazonien, avec ses réalités sociales, environnementales et territoriales très spécifiques, montre combien les disciplines doivent être fortement articulées - clinique, santé publique, sciences sociales, surveillance environnementale - pour produire des réponses réellement adaptées.   
Elle a également mis en évidence l’importance d’une coopération transfrontalière étroite entre la France et le Brésil pour comprendre et affronter conjointement les maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes. Ces enseignements guideront la suite de mon travail, afin de soutenir des collaborations ancrées dans une vision intégrée et pleinement attentive aux spécificités locales de la région transfrontalière.

Nadège : avec l’organisation de cette mission, montre qu’il joue très bien son rôle de plateforme facilitatrice d’échanges et catalysatrice de collaborations. Le CFBBA s’est imposé comme un acteur incontournable œuvrant pour la coopération Guyane française-Nord du Brésil. Il est mobilisé par de nombreuses institutions, chercheurs, experts pour l’ampleur de son réseau et sa connaissance fine des écosystèmes de la recherche et de l'enseignement supérieur de part et d’autre de la frontière.   
La mission a, par ailleurs, confirmé la volonté partagée entre Guyane et Brésil de collaborer et rappelé que les thématiques communes et les intérêts de recherche sont nombreux. Les chercheurs sont disposés à collaborer et réalisent le plus souvent une veille sur les appels à projets de recherche internationaux et appels pour missions de travail/expertise.

Quels sont vos futurs projets en lien avec ce type de déplacement et pour la suite de votre mission ?

Caroline : Dans le cadre de ma mission pour l’Institut Pasteur de Paris, l’un de mes objectifs principaux est de renforcer les liens régionaux au sein du Pasteur Network, en travaillant main dans la main avec les Instituts Pasteur de São Paulo, de Montevideo et de Guyane. Cette mission s’inscrit pleinement dans cet objectif, en m’offrant l’opportunité d’interagir directement avec les chercheurs de l’Institut Pasteur de Guyane et d’identifier de nouvelles possibilités de coopération scientifique et institutionnelle. Les échanges avec les chercheurs de l’Unité d’Accueil 17 - “Santé des populations en Amazonie” ainsi qu’avec l’équipe du Centre de ressources biologiques du Centre hospitalier de Cayenne ont été particulièrement constructifs et me permettront de faire progresser le projet FEF-MIE, financé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE).

Erica : Réaliser cette mission dès la première année de mon déploiement m’a permis d’acquérir une compréhension fine de l’écosystème de recherche en santé en Guyane française et d’y établir des contacts clés. Ces éléments renforcent à la fois l’apport d’une connaissance ancrée dans le terrain pour l’ANRS MIE et la construction de collaborations adaptées aux besoins locaux. La mise en place du Centre d’investigation clinique à Cayenne ouvre la voie à des études cliniques franco-brésiliennes, dans lesquelles la Guyane disposera des capacités nécessaires pour assumer un rôle de leadership sur plusieurs volets. À court et moyen terme, un autre axe prioritaire consiste à s’appuyer sur l’Institut Pasteur de Guyane et ses partenariats brésiliens pour développer un réseau de surveillance des eaux usées et autres milieux hydriques, afin de permettre l’identification précoce de pathogènes d’intérêt pour la santé humaine.   
Plus largement, une meilleure connaissance des acteurs guyanais de la recherche en santé me permet désormais de soutenir un réseautage structuré, cohérent et aligné sur les besoins et priorités du territoire. 
Ceci s’inscrit dans le développement de la plateforme de recherche en santé mondiale (PRISME) France-Brésil, dont l’accord de création a été signé le 1er octobre dernier par les membres fondateurs des deux pays. L’objectif est de constituer un consortium de partenaires institutionnels de recherche français et brésiliens afin d’identifier des enjeux communs de santé globale et d’y faire face conjointement, tout en définissant des priorités de recherche et en soutenant le développement de collaborations scientifiques franco-brésiliennes.

Nadège : L’appel à projets de recherche CFBBA lancé début novembre de cette année doit donner l’opportunité aux chercheurs, qui ont montré de l’intérêt pour développer des collaborations avec le Brésil, de soumettre un projet de recherche en santé. Par ailleurs, cette mission doit permettre un dialogue plus abouti entre les trois institutions que Caroline, Erica et moi représentons et faciliter par la suite les synergies et l’échange d’informations.

Autres témoignages

[Paroles d'experts] Kolia Bénié

Récemment arrivée à Dakar, Kolia Bénié, experte technique internationale (ETI) SRMNIA auprès du bureau régional de l’UNFPA, partage ses premières avancées, les temps forts de sa prise de poste et sa contribution pour renforcer l’impact du Fonds Muskoka en Afrique de l’Ouest et du Centre.

  • Témoignages

[Paroles d'experts] Emmanuel Henriet

À VivaTech 2025, Emmanuel Henriet (ETI énergie) revient sur les initiatives d’innovation qui unissent startups, grands groupes et acteurs publics autour des enjeux de la transition énergétique.

  • Témoignages

[Paroles d'experts] Manuel Martins

Manuel Martins, expert technique international déployé en Roumanie, revient sur les temps forts de sa mission auprès du ministère de l’Éducation et de la Recherche  où il œuvre au renforcement de la coopération éducative franco-roumaine et à la valorisation du savoir-faire éducatif français. 

  • Témoignages