[Experts à l'honneur] Vincent Vinh Vaudel
Vincent Vinh Vaudel, expert technique international « Genre et migrations », revient dans son témoignage sur les défis rencontrés et les avancées réalisées, dix mois après son déploiement au bureau régional d’ONU Femmes Asie-Pacifique à Bangkok.
Basé en Thaïlande, Vincent Vinh Vaudel intervient en tant que Conseiller technique senior « Genre et migrations » pour Expertise France, détaché auprès d’UN Women Asie-Pacifique.
Son travail s’inscrit dans une approche stratégique visant à intégrer pleinement les droits des femmes migrantes dans les politiques migratoires régionales.
À travers son mandat, il accompagne les organisations féministes et la société civile pour renforcer leur participation aux instances décisionnelles. Il œuvre notamment à la mise en place de mécanismes de gouvernance plus inclusifs, en développant des cadres de concertation entre décideurs politiques et acteurs engagés sur le terrain.
Parmi ses réalisations majeures, Vincent Vinh Vaudel a contribué à l’élaboration d’une feuille de route régionale intégrant une approche de genre dans les forums de dialogue sur la migration. Il a également piloté la mise en place d’un programme de formation régional dédié aux organisations de défense des droits des femmes impliquées sur les sujets de migration, leur donnant des outils concrets pour renforcer leur plaidoyer et leur impact politique.

Défendre les droits des femmes migrantes
Pourquoi l’égalité des genres dans la migration est un combat essentiel ?
Travailler sur les droits des migrantes en Asie-Pacifique, c’est se battre contre des inégalités profondément ancrées dans les politiques migratoires. Dans cette région, près de 48 % des travailleurs migrants sont des femmes, mais leurs contributions restent invisibilisées et sous-évaluées. Elles sont majoritairement employées dans des secteurs précaires – 70 % travaillent dans les services domestiques et les soins – souvent sans contrat, sans couverture sociale, et avec une forte exposition aux violences et abus.
Mon rôle en tant que Conseiller technique senior Genre & Migration pour Expertise France, détaché auprès d’UN Women Asie-Pacifique, consiste à intégrer une approche féministe et transformatrice dans la gouvernance des migrations, en mettant particulièrement l’accent sur les droits des travailleuses migrantes et les rôles des organisations de défense des droits des femmes.
Quelles sont les priorités de votre mandat ?
L’une des priorités de mon mandat est de donner aux organisations féministes les moyens d’influencer la gouvernance migratoire. En juillet dernier, nous avons organisé une consultation régionale avec des ONG et des organisations de défense des droits des femmes issues de la société civile pour analyser leur rôle et les obstacles qui limitent leur participation aux décisions politiques. Résultat : nous avons co-créé une feuille de route pour une meilleure intégration des perspectives de genre dans les forums sur la migration en Asie-Pacifique.
Quel a été l'évènement le plus marquant de votre mission ?
Le dialogue direct organisé entre des organisations de défense des droits des femmes et des décideurs politiques lors de la 2nde revue du Pacte Mondial sur les migrations (GCM) qui ont pu prendre conscience des réalités des travailleuses migrantes. Ces échanges permettent d’ouvrir la voie à une participation accrue des femmes issues de la société civile dans les mécanismes de gouvernance migratoire, notamment dans les mécanismes intergouvernementaux ou les forums régionaux de l’ASEAN.
Quelles sont les prochaines étapes pour assurer la pérennité de cette dynamique ?
Une politique migratoire ne peut être efficace que si elle est portée par des acteurs formés et sensibilisés. C’est dans cet esprit que nous avons lancé un programme de formation régional dédié aux organisations de défense des droits des femmes impliquées sur les sujets de migration. Objectif ? Leur donner les outils pour plaider efficacement auprès des gouvernements pour des conditions de travail dignes pour les migrantes, intégrer des mécanismes de protection contre les violences et le harcèlement dans les contrats de travail et accéder aux instances de dialogue social sur la migration. Cette formation a permis de former une trentaine d’activistes et de représentantes d’ONG qui déploient désormais ces connaissances au sein de leurs réseaux nationaux.
Protéger aujourd’hui pour ne pas reculer demain
Comment garantir que les droits des femmes migrantes continuent de progresser face aux tentatives de remise en question des avancées acquises ?
Il est important de rappeler que les femmes migrantes ne sont pas de simples bénéficiaires passives de politiques publiques, mais des actrices du changement, dont l’expertise et les expériences doivent être valorisées. Aujourd’hui plus que jamais, il est crucial de rester mobilisé pour garantir que les droits fondamentaux continuent d’évoluer dans la bonne direction et empêcher une remise en question des progrès acquis. La question du genre est devenue un enjeu politique et fait face à une montée inquiétante d’attaques et de résistances. Partout dans le monde, des mouvements remettent en cause des droits durement acquis, cherchant à restreindre l’accès aux services essentiels, à limiter l’autonomie des femmes et à invisibiliser leurs luttes. Défendre les droits des femmes migrantes, c’est aussi défendre un projet de société plus égalitaire.
Alors que la Journée internationale des droits des femmes rappelle les progrès réalisés et les défis qui restent à relever, mon engagement se poursuit pour garantir que ces avancées s’inscrivent dans des politiques durables et inclusives. L’objectif à l’horizon : faire de la migration un levier d’émancipation pour les femmes, et non un facteur supplémentaire de précarité.