[Paroles d'experts] Manuel Martins
Manuel Martins, expert technique international déployé en Roumanie, revient sur les temps forts de sa mission auprès du ministère de l’Éducation et de la Recherche où il œuvre au renforcement de la coopération éducative franco-roumaine et à la valorisation du savoir-faire éducatif français.
Basé à Bucarest, Manuel Martins intervient en tant qu’expert technique international (ETI) en enseignement technique et professionnel auprès du ministère roumain de l’Éducation et de la Recherche.
Cette mission d’expertise, déployée par Expertise France et financée par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, s’inscrit dans le cadre de la feuille de route du partenariat stratégique franco-roumain de 2020.
Au cœur de son action : la création de réseaux thématiques, le déploiement de filières pilotes répondant aux besoins économiques et la valorisation de l’expertise française à travers des partenariats entre établissements, entreprises et institutions.
Une mission au service de la coopération éducative franco-roumaine
Pouvez-vous nous décrire votre mission et les actions effectuées ?
Depuis septembre 2023, je suis placé auprès du ministère roumain de l’Éducation et de la Recherche, en appui au Centre National pour le Développement de l’Enseignement Professionnel et Technique (CNDIPT).
Ma mission principale consiste à renforcer la coopération éducative franco-roumaine dans le champ de l’enseignement technique et professionnel, conformément à la feuille de route du partenariat stratégique franco-roumain de 2020 et au protocole bilatéral de 2016.
Les actions menées ont porté sur trois axes structurants :
Le développement et la structuration de partenariats éducatifs durables entre établissements français et roumains : 95 lycées et collèges impliqués, 34 partenariats formalisés, 108 personnels (enseignants, IA, IEN, DRAREIC, proviseurs, DDFPT) et 184 élèves ont chacun effectué une mobilité ;
L’accompagnement des consortiums éducatifs roumains créés dans le cadre du PNRR, et la mise en relation avec les Campus des Métiers et des Qualifications (CMQ) français ;
La valorisation du savoir-faire éducatif français à travers des séminaires thématiques (domotique, photonique, réalité virtuelle, énergie, entre autres), des mobilités croisées et des projets pilotes (double diplomation et certification professionnelle, réseaux sectoriels, Diplôme de Français Professionnel);
La mise en œuvre de partenariats avec les entreprises : liens écoles-entreprises (Michelin, Renault Dacia, ROMAERO Bucarest / AIRBUS Helicopters Romania, UBISOFT Bucarest).
Des actions concrètes ont été menées dans plusieurs filières : domotique (constitution d’un réseau de partenaires, création d’un centre pilote de formation en cours de réalisation, organisation d’un séminaire) ; centre de formation d’excellence en « Photonique – numérique » (dépôt d’un projet CoVE aux côtés de quatre pays partenaires) ; plasturgie (mise en œuvre d’une formation pilote, la Roumanie ne disposant pas de parcours dédié) ; formation en réalité virtuelle (deuxième séminaire et partenariat entre lycées techniques ; un troisième séminaire intégrant les universités est en préparation). Ces initiatives mobilisent un large éventail de partenaires institutionnels, éducatifs et économiques, reposant sur une présence continue sur le terrain, une écoute active des besoins et la capacité à fédérer des acteurs issus de cultures administratives différentes.
Quels sont, selon vous, les principaux impacts de votre intervention ? Quel bilan tirez-vous de cette mission ?
Mon intervention a eu plusieurs impacts tangibles et mesurables :
Poursuite de la structuration de trois réseaux franco-roumains (domotique, énergie renouvelable dans le bâtiment et mobilité électrique), reconnu par les autorités roumaines ;
Création de filières pilotes alignées sur les besoins économiques actuels (domotique, fibre optique/photonique, plasturgie) ;
Accroissement de la visibilité du modèle français de formation professionnelle, notamment à travers les séminaires, les missions d’expertise et les échanges institutionnels ;
Impulsion, donnée à la dynamique de mobilité (élèves, enseignants, délégations).
De l’impact à la transmission : le rôle de l’ETI dans la continuité des partenariats
Quelle est votre plus grande satisfaction en tant qu’ETI ?
La plus grande satisfaction réside dans la reconnaissance institutionnelle du travail accompli au cours de la mission. Elle se manifeste par les sollicitations directes des partenaires roumains, qui me demandent désormais d’initier de nouveaux projets. Elle s’est également matérialisée par les félicitations officielles du Secrétaire d’État roumain, de la Direction des relations internationales et du CNDIPT dans une lettre adressée à Expertise France, saluant « le sérieux du travail et la rigueur des démarches professionnelles ». Cet appui confirme la justesse des orientations stratégiques retenues, ma crédibilité professionnelle et l’engagement constant que j’ai consacré au renforcement de l’enseignement technique et professionnel en Roumanie.
Quels conseils donneriez-vous à un futur ETI intervenant sur une mission similaire ?
Plusieurs enseignements peuvent être dégagés :
Il est essentiel d’adopter une approche de terrain, en se rendant régulièrement dans les établissements et en privilégiant la concertation directe avec les inspecteurs, chefs d’établissement et enseignants. J’accompagne au maximum les délégations et les mobilités en provenance de France (appui logistique, préparation des programmes, présence sur site), afin d’en sécuriser le déroulement et d’en maximiser l’impact ;
Il faut assurer une réactivité immédiate aux sollicitations et rester ouvert à tous les projets, même s’ils sortent du périmètre initial : pour exemple, j’ai pris en charge, des coopérations avec les lycées bilingues, les lycées généraux, les collèges, les INSPE, etc., pour répondre aux besoins du partenaire d’accueil et maintenir la dynamique.
Avez-vous identifié des bonnes pratiques qui pourraient être réutilisées dans d’autres missions similaires ?
Oui, plusieurs bonnes pratiques sont transposables :
- La création de réseaux thématiques inter-établissements, qui permettent de mutualiser les expertises et de garantir la continuité des projets,
- La mise en place d’événements-pivots (séminaires, ateliers, visites croisées) servant de catalyseur à la coopération et de vitrine du savoir-faire français ;
- L’ancrage territorial de la coopération, chaque région roumaine devenant un pôle d’expérimentation
Selon vous, y a-t-il un profil d’« ETI » ? Comment définissez-vous le poste d’ETI ?
Je ne pense pas qu’il existe un profil type d’ETI. Chaque mission s’inscrit dans un contexte politique, institutionnel et humain spécifique, qui nécessite une approche stratégique adaptée.
En revanche, certaines qualités sont indispensables : la patience, la résistance aux situations complexes, la neutralité vis-à-vis des autorités nationales et la capacité à prévenir les conflits par le dialogue. L’ETI est avant tout être un médiateur, capable d’agir avec diplomatie et discernement pour maintenir la confiance des partenaires.C'est un poste de coordination et d’influence, consistant à représenter l’expertise française, impulser et structurer des projets de coopération, accompagner les partenaires locaux dans la modernisation de leurs politiques éducatives et valoriser le savoir-faire français.