[Paroles d'experts] Isabelle Thomas Delic
Isabelle Thomas Delic, experte technique internationale en appui au processus d’intégration européenne de l’Albanie, revient dans son témoignage sur les réalisations accomplies et les événements marquants qui définissent sa mission au cœur du processus d’adhésion de l’Albanie à l’UE.
Déployée à Tirana depuis septembre 2023, Isabelle Thomas Delic est conseillère pour l'intégration européenne au sein des services du Premier ministre d’Albanie.
Sa mission : accompagner la stratégie albanaise d’adhésion à l’Union européenne, en apportant une expertise politique de haut niveau sur les négociations en cours, les priorités de réforme et la mise en œuvre de l’intégration graduelle, au cœur de la nouvelle méthodologie d'adhésion promue par la France.
Interface entre les services du Premier ministre d'Albanie et l’ambassade de France, Isabelle joue un rôle clé dans :
• le dialogue politique avec les institutions européennes,
• la mobilisation d’expertise française dans des secteurs prioritaires,
• la coordination des messages et actions entre les deux pays.
Elle a notamment contribué à la réussite de la visite du ministre délégué à l’Europe, M. Benjamin Haddad, en avril 2024, en préparant les échanges bilatéraux et une conférence de haut niveau organisée avec le Collège d’Europe de Tirana.

Une ETI au cœur de l’adhésion européenne de l’Albanie
En quoi consiste votre mission ?
En poste au sein des services du Premier ministre d’Albanie, ma mission consiste à apporter mon expertise au cabinet de la ministre d’Etat, négociatrice en Chef, sur les questions relevant du processus de négociation à l’adhésion à l’Union européenne de l’Albanie. Ses objectifs sont définis par la fiche de poste correspondante et ont été précisés en concertation avec la ministre d’État lors de notre premier entretien. Ma principale fonction est d’être un lien permanent entre les autorités albanaises et les services de l’État français en Albanie représentés par l’Ambassade de France à Tirana. Au quotidien, il s’agit d’avoir une capacité d’analyses du processus de négociation dans son ensemble et des différentes étapes du calendrier européen. A partir de ces éléments, des propositions peuvent émergées et être présentées aux autorités afin de répondre au mieux aux recommandations européennes. Celles-ci peuvent être de nature institutionnelle, technique ou plus politique. De ces propositions peuvent découler des actions concrètes qui viseront à répondre à des besoins identifiés et qui pourront amener à développer des coopérations bilatérales.
Par ailleurs, ce travail d’analyse permet de nourrir les contributions du poste relatives aux questions liées à l’élargissement de l’Union européenne. La difficulté, outre le fait de pouvoir bénéficier de la confiance autant des autorités albanaises que françaises, est un environnement de travail dominé par une multitude de projets d’assistance technique dans tous les domaines, financée principalement par l’Union européenne. D’une part, cette assistance technique est complètement parcellisée, peu de coordination entre les projets alors même qu’ils traitent souvent de questions parallèles. D’autre part, elle est le plus souvent menée par des cabinets privés ou encore par les agences des Nations Unies qui n’apportent pas suffisamment la culture administrative et les bonnes pratiques des États membres dont les autorités auraient besoin.
Cet univers très compétitif laisse peu de place à la France qui revient dans la région depuis peu et dont l’administration publique est difficilement mobilisable pour accompagner le processus d’intégration. Dans ce contexte, la nécessité de coordination de l’aide est récurrente mais ne trouve que peu d’écho du côté des donateurs, néanmoins les autorités essaient de travailler en ce sens.
Sur le fond, la Ministre d’État, négociatrice en chef a souhaité dès le départ de mission que deux sujets soit portés comme prioritaires, l’intégration graduelle et les réformes internes à l’Union européenne. Ces deux sujets ont fait l’objet de notes d’analyses et de demandes aux autorités françaises, notamment sur la partie intégration graduelle, sur des moyens d’accompagner ce processus initié par la nouvelle méthodologie d’adhésion à l’UE, voulue par la France.
Pouvez-vous nous parler de votre rôle dans l’organisation de la visite du ministre délégué à l’Europe, M. Benjamin Haddad, à Tirana en avril ?
Pour un pays candidat, la visite du ministre délégué à l’Europe représente une opportunité afin de souligner les progrès du pays dans son chemin européen et d’obtenir le soutien de la France dans ce processus, qui, il faut le rappeler, se décide au Conseil européen.
La préparation de cette visite était donc cruciale pour les autorités albanaises. Mon rôle a été de proposer des éléments de langage à la ministre en vue de l’entretien avec M. Haddad, et une note sur la situation du processus de négociation à l’Union européenne transmise à l’ambassade, en soulignant les attentes de nos partenaires. Le fait d’être entre les deux, permet de trouver un point d’équilibre pour faire passer des messages et s’accorder sur ce qui peut être partagé. En l’espèce, les ministres se sont entendus pour élaborer ensemble une stratégie de communication conjointe sur l’élargissement afin de sensibiliser l’opinion publique française.
En outre, cette visite a été également l’occasion d’organiser avec le Collège d’Europe de Tirana, une conférence en présence du Ministre M. Haddad et du ministre des Affaires étrangères et européennes d’Albanie, sur l’élargissement de l’Union européenne. Un temps de communication réussi, diffusé en direct sur les réseaux sociaux, qui a permis de rappeler le soutien de la France à la perspective européenne de l’Albanie.
Quels sont vos futurs projets en lien avec ce type d’événement et pour la suite de la mission ?
Suivant cette mission, il a été entendu avec la ministre d’État que le directeur du département intégration européenne et affaires européennes, des services du Premier ministre, serait le point focal de ce plan de communication conjoint.
Naturellement, il s’est tourné vers moi pour assurer le suivi de ce dossier, qui se fera en concertation avec le cabinet du ministre délégué. Une première proposition a d’ores et déjà été envoyée au Directeur afin d’organiser et de définir un plan d’action qui devrait être opérationnel dès septembre.
Quelles conclusions au regard de cette visite quant à la fonction occupée ?
De telles visites politiques permettent de donner un ancrage à la relation bilatérale, elles la consolident et la projettent. Être au cœur de ce type d’évènements constitue un gage de confiance de la part autant des autorités albanaises que françaises. Cela souligne la nécessité d’être en lien permanent et force de proposition, de garantir une loyauté et une transparence dans la communication menée avec l’ensemble des acteurs.
L’expérience du réseau de coopération des affaires étrangères et des codes de la diplomatie est un atout indéniable pour mener à bien ce type de mission à laquelle s’ajoutent la connaissance des sujets traités, en l’espèce le processus de négociation, et une capacité d’analyse et d’anticipation du contexte envisagé.